motspourmots - Globalia

Nicole Lecteur

Globalia

Jean-Christophe Rufin
Globalia - Jean-Christophe Rufin
Peut-on renouveler un coup de cœur quinze ans après ? Malgré le temps qui transforme, affadit parfois les lectures plus anciennes, malgré les goûts qui évoluent ? Eh bien oui.
Globalia est une dystopie qui brouille les repères temporels. C'est quelque part dans le futur, des années après les guerres civiles qui ont mis le monde à feu et à sang. Une civilisation aseptisée, sous cloche, littéralement puisque protégée par des dômes et des parois de verre. Au-delà des parois ? Ce qu'on appelle les non-zones. D'un côté l'ordre et une devise : "Liberté, sécurité, prospérité". De l'autre, le chaos, la misère, la violence, le néant d'où viennent régulièrement des actions terroristes. Présentée comme la démocratie idéale, prônant la liberté, Globalia va se révéler bien plus complexe et perverse dans sa conception, son organisation et, finalement son idéologie. Au fur et à mesure que l'on avance, tous les concepts sont remis en cause et bousculés. Quelles contreparties pour la sécurité ? Qu'est ce que vraiment la liberté ? D'ailleurs, peut-on parler de liberté lorsque les historiens sont sous contrôle au prétexte que "le passé est un immense territoire d'idées nuisibles" ? Peut-on parler de liberté lorsque les citoyens sont soumis à une information contrôlée et à une pression commerciale permanente ? Jean-Christophe Rufin projette son lecteur dans une société telle que nous pourrions en bâtir à partir des concepts prônés actuellement par une majorité d'individus : une société mondialisée (homogénéisée, standardisée), une société dominée par les intérêts commerciaux et l'argent, une société sécuritaire guidée par la peur de l'autre. Tout ceci par l'intermédiaire d'un formidable roman d'aventures. Franchement, un régal, fait de trouvailles passionnantes pour ce qui est de donner un aperçu du futur, que ce soit en matière sociétale ou scientifique.
Non seulement le roman n'a pas vieilli mais il s'est bonifié avec les années. C'est peut-être ça, la bonne littérature.